• Le 22 avril 2025 de 10:00 à 11:30
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A cette occasion Paul Lehner (MCF, université de Lille, CIREL-RECIFES) et Chloé Pannier (doctorante au CREN) présenteront leurs travaux sur l'éducation à l'orientation :

                                                Titre :  L’éducation à l’orientation. Histoire et actualités d’une mission des enseignants

Résumé : 

Après une introduction commune renvoyant à la fois aux modalités et aux enjeux inhérents à la mise en œuvre de l’éducation à l’orientation depuis 1996, le séminaire se déclinera en deux communications.

La première porte sur les travaux de Paul Lehner. Cette communication s’intéresse à la construction de « l’éducation à l’orientation » comme savoir transversal ou dispositif curriculaire (Harlé, 2021) en étudiant la séquence politique (1990-1996) d’élaboration des circulaires relatives à l’éducation à l’orientation au collège et au lycée. Ces circulaires s’inscrivent dans un contexte marqué par la tentative de rénovation pédagogique impulsée par l’administration centrale depuis le début des années 1990, par l’arrivée de François Bayrou au ministère de l’Éducation nationale qui engage un « nouveau contrat pour l’Ecole » et par la loi quinquennale de 1993 donnant la compétence aux régions en matière d’information et d’orientation pour les jeunes en formation. Au croisement de la sociologie de l’action publique et de la sociologie du curriculum, cette communication vise d’une part à mettre en évidence les enjeux politiques que cristallise la question de l’éducation à l’orientation au début des années 1990 et d’autre part de rendre compte du processus d’élaboration des contenus et du temps alloué à ce savoir transversal.

La deuxième communication porte sur le travail de thèse en cours de Chloé Pannier. Réinterrogée à l’aune de la loi « Orientation et Réussite des Étudiants » du 8 mars 2018, l’éducation à l’orientation par les enseignants de lycée sera au cœur de cette intervention. Si ce rôle n’est pas nouveau, les dernières politiques d’orientation ont renforcé le mandat des professeurs principaux en matière d’accompagnement à l’orientation (Lehner & Pin, 2024) en les responsabilisant davantage face à un contexte de massification scolaire, d’emprise du diplôme et d’individualisation des parcours (Frouillou et al., 2020). Pourtant, ces derniers restent insuffisamment formés pour effectuer cette mission (Dutercq et al., 2018 ; Assemblée nationale, 2023) et n’ont par ailleurs pas revendiqué ce mandat (Lehner & Pin, 2024). Eu égard à ces problématiques, nous nous interrogeons donc sur la mise en œuvre de la loi ORE au lycée en focalisant notre attention sur les acteurs au cœur de l’éducation à l’orientation : les enseignants. Notre travail s’appuie sur des travaux liés à la sociologie de l’action publique en ce qui concerne le versant « mise en oeuvre » des réformes d’une part, et sur l’identité professionnelle enseignante telle que théorisée par Cattonar d’autre part. Notre méthodologie croise des entretiens compréhensifs (N=31) menés auprès d’enseignants de lycées GT de la Seconde à la Terminale, et des réponses à un questionnaire sociologique (N=250) avec le même type de public. Les résultats montrent que les enseignants, loin d'être passifs, participent activement à la co-construction de ces politiques (Félouzis & Revaz, 2024). Ces derniers les traduisent localement (Lascoumes & Le Galès, 2018), les ajustant en fonction de leur identité professionnelle, leurs intérêts et le contexte de leur établissement (Cattonar, 2001 ; Draelants & Cattonar, 2022). L’étude révèle ainsi que face à la mise en oeuvre des nouvelles politiques d’orientation et du renforcement de l’éducation à l’orientation, les enseignants ne constituent pas un groupe homogène mais laissent apparaître plusieurs « mondes enseignants » (Farges, 2017), avec une diversité de postures adoptées, allant de l'adhésion à des formes de résistance. Cette diversité s’explique notamment par leur discipline, leur ancienneté, leur statut, leur parcours personnel et leurs conceptions du métier (Cattonar, 2001), mais aussi par leurs conceptions de l’orientation et des logiques de justification qui les sous-tendent (Verdier, 2010). De manière générale, les enseignants recourent fréquemment à des « bricolages » (Dubar, 2000 ; Ball, 1994) pour concilier injonctions institutionnelles et réalités du terrain, notamment dans l’accompagnement à Parcoursup. Cette étude souligne dès lors l'émergence de « policy enactors » (Ball, 1994) qui, par leur interprétation active des réformes, contribuent à façonner la politique d'orientation sur le terrain, tout en négociant la tension entre leur « vrai travail » disciplinaire et le « sale boulot » lié à l'orientation (Cattonar, 2006)."

Mis à jour le 28 mars 2025.